En tout sujet d’importance — et c’est bien ici le cas — il importe de fonder ses affirmations sur des arguments et des preuves les mieux vérifiées possible. Les moyens de savoir précisément comment les apôtres célébraient les saints mystères sont extrêmement rares. Le canevas de la messe est et reste apostolique dans sa source ainsi que la substance des prières qui en forment le cœur, même si, pendant deux siècles le célébrant était laissé libre d’en donner une version plus ou moins personnalisée, quoique se moulant fidèlement dans la tradition apostolique, c’est à dire dans les limites de schémas respectant les gestes du Seigneur et les traditions de telle ou telle Eglise. D’autres circonstances ont pu jouer, soit dramatiques (persécutions), soit ce que les Pères ont nommé la discipline de l’arcane, à savoir le secret dans la transmission des rites sacrés auxquels le catéchumène n’était initié que graduellement.
Il était normal, néanmoins que cet état de choses ne dure qu’un temps et que l’autorité de l’Eglise intervienne pour fixer graduellement la tradition dès lors que les temps apostoliques devenaient de plus en plus lointains. C’est ce qui arriva après la paix de l’Eglise en 313 : les documents proprement eucologiques apparurent, d’abord des recueils des prières du prêtre, puis peu à peu le détail des cérémonies. Le premier témoin très précis en ce domaine est l’Ordo Romanus I, daté de 705 : il décrit la messe du Pape le jour de Pâques à St Jean de Latran. La prolixité et la minutie des rites attestent une longue richesse, transmise jusque là plus par voie orale que par des témoins écrits. Dès ce VIIIe siècle commençant, la liturgie romaine se dévoile à nous avec deux caractéristiques : la solennité jointe à la simplicité que Dom Guéranger compare à une fête de famille, d’une part, la fixation progressive mais très forte des textes principaux, d’autre part : entre le Pape saint Léon le Grand (+461) et le Pape Jean XXIII, seuls 26 mots ont été ajoutés au canon romain.
C’est en effet de la tradition apostolique que, grâce à Dieu, nous avons reçu le texte lui-même de la prière canonique que nous chérissons plus que tout.
Pape Vigile
Car il (le canon) n’est composé que des paroles mêmes du Seigneur, de la tradition des apôtres et des pieuses institutions des souverains pontifes.
Concile de Trente
Mais il n’est pas sage ni louable de tout ramener en toute manière à l’Antiquité. De sorte que, par exemple, ce serait sortir de la voie droite de vouloir rendre à l’autel sa forme primitive de table. […] De même, en effet, qu’aucun catholique sérieux ne peut, dans le but de revenir aux anciennes formules employées par les premiers conciles, écarter les expressions de la doctrine chrétienne que l’Eglise, sous l’inspiration et la conduite de l’Esprit saint, a dans des âges plus récents élaborées …
Pie XII, Mediator Dei